Drôle d'impression hier soir de voir le chœur de Gradus ad Musicam arrivé masqué hier soir sur la scène de la Salle Poirel pour la Petite Messe Solennelle de Rossini et, alors qu'ils n'étaient qu'une vingtaine, chanter masqué pendant tout le concert soit une heure trente. Effet sourdine garantie sans compter l'effort que cela a dû leur demander.
Pendant ce temps-là, les solistes vocaux en bord de scène face au public et les solistes instrumentaux (piano, harmonium) pouvaient enlever leur masque.
Le chef, François Legée, dos au public, a dû lui aussi diriger masqué, alors que la veille, le chef québécois Jean-Marie Zeitouni dirigeait l'Orchestre de l'Opéra National de Lorraine démasqué devant un orchestre lui-aussi visage à l'air libre.
A la fin, le public était invité à quitter la salle, un rang après l'autre. On imagine ce que cela peut donner dans une grande salle.
Moyennant quoi, malgré l'effet étouffoir des masques, et son effectif réduit (ah oui j'oubliais les conséquences de la distanciation), le chœur ou plutôt l'ensemble vocal s'en est très bien sorti dans une œuvre qui réclame une certaine endurance.
Le plateau vocal assez homogène s'est surtout distingué dans les solos de l'alto Delphine Lambert et de la basse Vincent Billier. Le ténor Ju In Yoon a brillé par son timbre cuivré et ses aigus aisés. La soprano Isabelle Fallot a moins convaincu.
L’accompagnement de la pianiste Juliette Boubel qui soutient l’édifice du début à la fin s’est montré efficace et inspiré. Quant à l’harmonium électrique, il s’est révélé peu présent. Le choix de l’accordéon en remplacement est définitivement une bonne option.
Le chef François Legée a su mener de bout en bout cette messe qui n’est ni petite ni solennelle telle une grande arche alternant des moments empreints de religiosité et d’autres complètement incongrus dans une œuvre sacrée, voire mêlant les deux. Ainsi, tout l’art de Rossini est de composer pour le chœur un Sanctus rythmé comme un swing. Et de conclure sa messe par une page de piano, sorte de rêverie, qui n’a rien à envier aux compositeurs romantiques.
Bref, une heure trente haletante avec des effets de surprise pour une œuvre trop rarement donnée car assez ardue pour des amateurs même aguerris et c’est donc tout à l’honneur de l’ensemble Gradus ad Muscicam de l’avoir mise au programme du premier concert de sa saison.