Enregistrer toute l'œuvre de Gabriel Fauré (1845-1924) pour piano seul, il fallait oser même en plein jubilé du compositeur français.
Lucas Debargue, l'un de nos pianistes les plus intéressants, l'a fait chez Sony Classical, pour notre plus grand plaisir et le sien aussi sans doute.
Qui disait que Fauré était un musicien de salon (je ne suis plus sûr de la citation exacte) ? Eh bien, j'aimerais bien fréquenter tous les jours son salon.
Ceci-dit, c'est une musique qui s'incarne sûrement davantage dans l'écrin d'un auditorium à taille humaine que dans une immense philharmonie, quoique certains opus rivalisent en force et en intensité avec les grands cycles du répertoire pianistique.
Ayant fait le choix judicieux de ne pas regrouper les œuvres par forme (nocturnes, barcarolles, préludes, impromptus, etc), ce qui s'avère souvent ennuyeux, mais selon une progression sans doute plus chronologique qui laisse entrevoir l'influence que le compositeur français aura sur ses successeurs et notamment Debussy, cf. les derniers opus du 4e CD, Lucas Debargue semble en osmose avec la musique de Gabriel Fauré. Il en fait ni trop, ni trop peu. Mesure, justesse et équilibre, c'est un régal de bout en bout, jusqu'à la fin avec des œuvres presque crépusculaires.
Côté prise de son de cette intégrale, difficile de juger avec ma modeste installation audio mais je remarque quand même que le son du piano, idéal pour cette musique française à la charnière des XIX et XXe siècles, est magnifiquement restitué, avec ses sonorités rondes et pleines, fruit d'un bel équilibre entre basses chaudes et profondes et aigus scintillants et sans agressivité, le tout avec beaucoup de clarté. Mais les spécialistes seront sans doute plus prolixe que moi sur les aspects techniques.
En conclusion, après plus de 4 heures 30 d'écoute, je me sens transporté dans les jardins de Monet à Giverny, une expérience sensorielle que je vous recommande chaudement.
A Lucas Debargue, s'il me lit, pourquoi ne pas enregistrer sur un prochain CD la Ballade de Fauré, la Fantaisie de Debussy et les Variations Symphoniques de Franck, auquel il faudrait encore ajouter une quinzaine de minutes de musique (concerto pour la main gauche de Ravel par exemple) ?