Il n’est pas si fréquent qu’un enregistrement occupe votre esprit plusieurs mois. Or, plus d’un an après l’avoir écouté pour la première fois, c’est le cas de celui que la pianiste Laurence Oldak a consacré à Alexander Scriabin et au compositeur franco-russe contemporain Kirill Zaborov, chez Fuga Libera, un label de Outhere Music.
Il y a un an, j’avais déjà fait part du profond sentiment de poésie que cet enregistrement m’inspirait à son audition, comme si les œuvres de ces deux compositeurs qu’un siècle sépare étaient faites pour se répondre et créer un discours musical d’une étonnante unité.
Sans doute le choix des œuvres effectué par Laurence Oldak est-il fort judicieux.
Elle a composé cet enregistrement comme un peintre avec sa palette de couleurs.
Chez Scriabin, elle est allée chercher des œuvres du début de sa maturité se mariant à merveille avec l’univers de Kirill Zaborov.
De Zaborov qui, comme Scriabin, voue l’essentiel de son art de compositeur au piano, elle livre ici des œuvres qui semblent prendre part idéalement à ce jeu de miroirs. La suite intitulée Entrelacs n’en porte-t-elle pas d’ailleurs le titre annonciateur ?
Quant au titre Dix apparitions, œuvre qu’elle a créée en 2012, ne pourrait-il pas faire référence aux impressions visuelles que la musique de Scriabin peut susciter, lui qui voulut atteindre, à travers elle, une forme d’art total, éveillant tous les sens simultanément ?
Quoi qu’il en soit, le jeu de Laurence Oldak, tout en délicatesse et sans effet, respecté par une prise de son subtile et sans clinquant, parvient à créer dans ce dialogue, tout un univers poétique, à la fois sonore et visuel, où apparaît même à un moment la figure de Chostakovich à qui Zaborov consacre un hommage.
L’album est finalement une belle ode à l’âme slave, avec ses tourments et ses passions. L’éternelle Russie est toute proche qui l’inspire avec ses paysages infinis.
Un beau voyage musical, assurément !