Mes Grosses têtes d'hier à aujourd'hui

13 Mars 2024

Lorsque gamin, alors fils de militaire stationné en Allemagne,je rentrais de l'école vers 16h30, le poste de radio était toujours allumé sur les Grosses Têtes de RTL, seul radio que nous captions et qui nous reliait à la France et à l'esprit français à travers cette émission humoristique et culturelle.

Alors que les Grosses Têtes d'aujourd'hui ne sont qu'une variante des émissions que Laurent Ruquier anime depuis 30 ans à la radio, depuis Rien à cirer sur France Inter, que je ne ratais pour rien au monde dans les années 90, la nuit, je réécoute en podcast les Grosses Têtes animées par Philippe Bouvard, de 1977, date de leur création, au début des années 90 (après je décroche un peu). C'est un peu ma madeleine de Proust radiophonique.

A l'époque, il n'y avait que quatre invités contre six aujourd'hui. C'est dire qu'ils en avaient plus sous le capot pour occuper l'antenne. Je me souviens ainsi des envolées lyriques et délirantes, souvent les deux, de Jacques Martin et Jean Yanne qui reformaient à cette occasion leur duo comique, des imitations inimitables de Thierry le Luron, du "T'occupe" d'Alice Sapritch, de Jacques Chazot, personnalité mondaine de l'époque, ancien danseur étoile ouvertement homosexuel, raillé par ses complices sur un ton qui serait qualifié aujourd'hui d'homophobe, et des histoires ratées de Philippe Castelli, acteur de second plan, souvent brocardé sur le ton de l'humour vache par Philippe Bouvard qui avait relancé sa carrière, en l'embauchant dans l'émission.

Souvent le ton fleurait la misogynie. On parlait des bonnes femmes et non des femmes sur un ton macho. 68 n'était pas encore complètement passé par là.

Pour autant, Isabelle Mergault sociétaire de l'émission à partir de 1988 et Valérie Mairesse dès 1980, à l'époque toutes jeunes actrices, se marraient à gorge déployée. Elles savaient sûrement que toutes ces réparties grivoises masculines n'avaient pour objectif que de les faire rire et le public avec, car au fond ces hommes n'auraient jamais osé aller plus loin que de les mettre en boîte en paroles.

Les sociétaires de l'émission étaient avant tout des gens de culture (celle de Jacques Martin se révélait ainsi de manière insoupçonnée) qui se retrouvaient pour se payer une bonne tranche de rigolade à partager avec le public du studio de la rue Bayard et les auditeurs par-delà les ondes.

Académiciens français (Jean Dutourd) et Goncourt (Robert Sabatier), comiques cinéastes (Gérard Jugnot présent dès 82), journalistes (Claude Sarraute, la spécialiste du sexe, Léon Zitrone et ses cravates tachées), chansonniers (Roger Pierre, le premier sociétaire avec Jacques Martin, André Gaillard, au rire reconnaissable entre tous, orphelin de son complice Teddy Vrignault, disparu sans laisser d'adresse), chanteuses (Gloria Lasso et ses huit mariages, l'insaissable Amanda Lear, Rika Zaraï et sa bassine d'eau froide) comédiens et comédiennes de théâtre et/ou de cinéma (Daniel Ceccaldi, le syndicaliste, Jacques Balutin, le cycliste, Sim, le séducteur, la marquise Sophie Desmarest, première femme de l'émission, Olga Georges Picot qui hélas mettra fin à ses jours quelques années plus tard, Jane Birkin, la petite anglaise spontanée et hilarante, Joséphine Chaplin, Macha Meril), sans oublier le navigateur-poète Olivier de Kersauson, baptisé l'amiral par le maître de cérémonie, font partie de ceux qui rivalisaient de bons mots et de tirades improvisées de haut vol.

Aujourd'hui, il ne reste pas grand chose de cet esprit dans l'émission de Laurent Ruquier même si elle reste distrayante quand je l'écoute au volant de ma voiture. Je me demande d'ailleurs ce que l'écrivain-cinéaste Philippe Claudel, de l'Académie Goncourt, vient y faire, à part toucher un cachet.

Je regrette aussi la langue parlée de Philippe Bouvard qui maniait le français comme on l'écrit (enfin à l'époque), lui qui avait commencé sa carrière comme coursier au Figaro, avec son seul certificat d'études en poche.

Aujourd'hui, j'ai de la peine à écouter sa chronique Bouvard se souvient qu'il tient encore à 94 ans. J'ai l'impression qu'il va s'éteindre au micro. Lui qui se dit agnostique pense à la mort : "Le néant à perpète, ce n’est pas réjouissant" mais ne compte pas encore prendre sa retraite. C'est tout le bien qu'on peut lui souhaiter.

Philippe Bouvard d'hier à aujourd'hui @ DR

1992 - Philippe Bouvard, Isabelle Mergault, Daniel Ceccaldi, Gérard Jugnot, Olivier De Kersauson

https://www.youtube.com/watch?v=3LDHy4Psu2M

Lien vers un extrait des Grosses Têtes en 1992 sur youtube

Quelques sociétaires : Jacques Martin, Jean Dutourd, Roger Pierre, Jacques Balutin, Jean Yanne, Thierry le Luron, Philippe Castelli, Gérard Jugnot, Olivier de Kersauson, Valérie Mairesse, Sophie Desmarest, Alice Sapritch, Léon Zitrone, Claude Sarraute, Sim, Amanda Lear

Quelques sociétaires : Jacques Martin, Jean Dutourd, Roger Pierre, Jacques Balutin, Jean Yanne, Thierry le Luron, Philippe Castelli, Gérard Jugnot, Olivier de Kersauson, Valérie Mairesse, Sophie Desmarest, Alice Sapritch, Léon Zitrone, Claude Sarraute, Sim, Amanda Lear

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