Couronnée en 2011 par trois Molières, cette pièce adaptée de l'oeuvre de Vahé Katcha, par Julien Sibre qui en assure aussi la mise en scène tout en jouant lui-même l'un des huit rôles vous scotche littéralement sur votre fauteuil.
Brièvement, voici l'intrigue telle que racontée sur le site du Théâtre du Palais Royal :
"1942 – Dans la France occupée, sept amis se retrouvent pour fêter l’anniversaire de leur hôte. La soirée se déroule sous les meilleurs auspices, jusqu’à ce qu’au pied de leur immeuble soient abattus deux officiers allemands. Par représailles, la Gestapo investit l’immeuble et décide de prendre deux otages par appartement.
Le Commandant Kaubach, qui dirige cette opération, reconnaît, en la personne du propriétaire de l’appartement, M. Pélissier, un libraire à qui il achète régulièrement des ouvrages. Soucieux d’entretenir les rapports courtois qu’il a toujours eus avec le libraire, le Commandant Kaubach décide de ne passer prendre les otages qu’au dessert… Et mieux : il leur laisse la liberté de choisir eux-mêmes les deux otages qui l’accompagneront.
C’est ainsi que peut commencer Le Repas des fauves."
On peut se douter sur la base d'une telle intrigue comment vont ensuite basculer les événements.
En effet, c'est à une véritable comédie humaine que va nous convier l'auteur, qui va mettre à nu, disséquant jusqu'à l'os, l'âme humaine, à travers la situation de ces sept amis pris au piège.
Si l'art du théâtre naît du conflit, il est ici bien servi par huit comédiens épatants de justesse.
Initialement amis, ils vont en effet passer leur temps à imaginer des stratagèmes leur permettant tout en sauvant les apparences de leur amitié encore si fraîche de désigner les deux otages exigés. Ce sera à qui acceptera de se désigner lui-même, ou encore à jouer les boureaux.
L'amitié initiale vole en fait vite en éclat quand il s'agit de sauver sa peau. Le vernis de civilisation qui nous fait croire à nos relations bien intentionnées est très fragile soumis à une mise en situation de cette sorte.
Et c'est tout l'art de l'auteur de nous faire vivre cela, de distiller chez le spectateur ce malaise qui nous fait nous demander : et si c'était moi ? Comment aurais-je réagi ? Qu'aurais-je fait ?
Hier, l'Occupation. Et aujourd'hui, y a-t-il des situations qui nous confrontent à cette remise en cause de nos comportements ?
Face aux drames sociétaux que notre monde génère, la solitude, la pauvreté, la précarité, réagissons-nous comme nous devrions ou bien comme ces Fauves de la pièce, ne pensons-nous qu'à sauver notre peau, au mépris finalement d'autres considérations, celles de nos liens humains, de la civilisation ?
Je rassure tout le monde. On n'est pas obligé de se poser ce genre de questions après avoir vu la pièce "Le Repas des Fauves" qui n'est absolument pas moralisatrice.
Si je n'ai pas pu m'en empêcher, le spectateur peut très bien la vivre comme un simple drame psychologique, sans chercher plus loin.
Faites le test vous-même et allez voir cette pièce que je vous recommande vivement.