Le 27 novembre dernier, se tenait un colloque sur le thème Poulenc et la France, à l'Académie des Beaux-Arts de l'Institut de France à Paris.
Programmé et dirigé par Simon Basinger dans la grande salle des séances de l'Académie, ce colloque nous a donné l'occasion d'entrer en contact intime avec le compositeur, dans une enceinte où il ne fut jamais admis.
L'Académie des Beaux-Arts s'est ainsi illustrée grâce à Simon Basinger, rédacteur en chef des Cahiers Poulenc, de consacrer tout un colloque au compositeur français du 20e siècle le plus joué dans le monde.
Alors que nous fêtions cette année le cinquantième anniversaire de sa mort, et que la France n'a organisé aucune manifestation nationale en son honneur, les illustres immortels réparaient ainsi hier une illustre injustice.
Alternant des communications de musicologues avertis mais non pédants tels Dominique Arbey sur Poulenc à Paris ou Aline Dumery sur Poulenc à Noisay, la lecture de lettres par le jeune comédien Ghislain Declety, des extraits de films et d'enregistrements, le tout couronné par la présence du toujours fringant ténor français Michel Sénéchal.
Comme le souligna le Secrétaire perpétuel de l'Académie, M. Arnaud d'Hauterives, le colloque se déroula selon une véritable dramaturgie, le rendant d'autant plus captivant pour le profane.
C'est bien en amateur et mélomane que je me rendis à l'invitation de Simon Basinger, craignant pour tout dire, de m'ennuyer ferme mais heureux de profiter de l'occasion pour découvrir l'Institut de France de l'intérieur, fait rare pour le commun des mortels.
Mais c'est donc tout l'inverse qui se produisit. Je fus tout de suite captivé par les interventions que tout public aurait pu apprécier, tant c'est un homme et un artiste, dans sa singularité, sa complexité et même sa modernité qui nous apparut à travers les différents thèmes abordés par les intervenants.
Le Parisien et ses amités avec Cocteau, Picasso, Stravinsky, Colette,..bref tous les créateurs de son époque, l'attachement à ses racines terriennes incarnées par sa propriété de Noizay qu'il acheta en Touraine non loin d'Amboise (il y produisit même son propre vin), ses collaborations artistiques avec ses écrivaints fétiches (Paul Eluard, Maurice Carême, entre autres) ses interprètes favoris (parmi lesquels Denis Duval, Pierre Bernac), sa dimension religieuse incarnée par l'oeuvre de musique sacrée qu'il commença à l'âge de 37 ans témoignèrent d'un homme dont on s'attendait à ce qu'il franchit la porte de la grande salle des séances, tant sa présence y était presque de plus en plus palpable à chaque intervention.
Le témoignage de Michel Sénéchal vint encore donner plus de chair à cette présence. Ni ami, ni intime, il se définit avec humilité et le souci de la vérité, comme un copain du compositeur que son maître Pierre Bernac lui fit rencontrer. Tout jeune alors, il le fréquenta d'assez prêt pour relater les humiliations auxquels à l'époque les amitiés particulières pouvaient conduire. Souvent étouffée par ses proches, le compositeur confia un jour au chanteur la souffrance de devoir mener une double vie, celle qui était imposée aux homosexuels à une époque qui n'est pas si lointaine et qui résonne encore dans l'actualité d'aujourd'hui.
Ainsi totalement incarné, le compositeur nous fit même déguster son propre vin, une bien nommée cuvée Poulenc de vin de Touraine, au cours d'un verre, où chacun put échanger sur le compositeur en toute simplicité.
Je regrette que ce moment d'intimité avec Francis Poulenc ne fut réservé qu'à quelque 140 personnes, du fait du lieu, prestigieux mais limité dans son accueil.
Je rêverais que ce moment puisse être vécu par tous ceux que l'histoire d'un homme de son siècle intéresserait sûrement.