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Tout juste sorti, "L'orgue des Lumières" est le dernier enregistrement de Dominique Dantand réalisé sur l'Orgue historique Küttinger de Vézelise, en Lorraine.

Il présente pour la première fois au disque du répertoire français et germanique de 1740 à 1790 n'ayant pour beaucoup jamais été enregistré.

Si le répertoire baroque français à l'orgue (appelé à tort classique) peut parfois se révéler austère, il n'en est rien ici. De fait, on a changé d'époque et de style. Dans les églises, le style baroque qui s'illustre jusque 1750 a cédé la place à une musique plus légère et démonstrative. L'influence de la musique profane avec ses symphonies et ses concertos (n'oublions pas que nous sommes au temps de Mozart) ainsi que l'évolution de la facture d'orgues ouvrent de nouvelles perspectives aussi bien dans la composition que dans l'exécution. 

C'est ainsi que se forme un nouveau répertoire dont certaines pépites sont hélas tombées dans l'oubli avec le nom de leurs auteurs. C'est ce sort injuste que Dominique Dantand a voulu réparer ici, disposant avec son Orgue Küttinger de 1775 de l'instrument idéal pour le faire, puisqu'il fut lui-même conçu à cette époque pour l'Abbaye de Beaupré dans le Lunévillois.

Mais pour ne pas se limiter à un florilège franco-français, il a conçu cet enregistrement comme un dialogue entre compositeurs français et allemands de cette époque. Parmi ceux-ci, c'est Johann-Ludwig Krebs (1713-1780) qui aura peut-être le plus résisté à l'érosion du temps. En témoigne sa Sonate en ré mineur que n'aurait pas reniée Carl-Philipp Emmanuel Bach. Ses collègues Ratghgeber, Grotz, Bartha et Hardt ont eu moins de chance. Leurs pièces ici jouées n'en sont pas moins tout aussi plaisantes.

La Sonate imaginaire en fa majeur de Valentin Rathgeber (1682-1750) se nomme ainsi car les quatre mouvements qui la constituent ont été rassemblés par Dominique Dantand lui-même pour former ce tout cohérent.

Un temps musicien dans l'orchestre du roi Stanislas lors de son premier exil à Zweibrücken, Johann-Daniel Hardt (1696-1755) nous laisse, quant à lui, avec sa Sonate en sol majeur, une seule œuvre pour clavier, certainement adaptée d'une pièce pour viole de gambe (son instrument premier) et basse continue.

La Sonate en fa mineur de Joseph Bartha (1744-1787) et les deux premières pièces du recueil pour organistes "experts et débutants" de Dionysius Grotz (1748-1817) évoquent l'opéra pour la première et les pièces pour Flötenuhr (horloge musicale) de Joseph Haydn pour la seconde.

Côté français, ce sont deux œuvres maîtresses qui se répondent en entrée et en clôture du CD, deux Magnificat en sol mineur, respectivement de Josse-François-Joseph Benaut (1741-1794) et d'un certain Monsieur Le Clerc dont on connaît peu de choses, si ce n'est que l'œuvre ici gravée présente beaucoup de similitudes avec celle de son collègue qu'il devait bien connaître et dont il devait jouer les œuvres à sa tribune chez les Pères de la Mercy.

Le Magnificat de Benaut témoigne de l'évolution de la composition et de la pratique de l'orgue dans cette deuxième partie du XVIIIe siècle en France. L'usage du pédalier est moins important et les organistes sont avant tout des virtuoses du clavier. Ainsi, il n'est plus nécessaire de disposer d'une technique spécifique à l'orgue. D'ailleurs, l'œuvre de Benaut semble davantage écrite pour le pianoforte. Autre singularité, tout prêtre qu'il fut, comme d'autres de ses confrères sur cet enregistrement, son œuvre est difficile à situer entre musique profane et musique sacré. Le style a évolué et se veut plus théâtral et moins austère.

C'est ainsi qu'entre les deux pièces de Grotz, Dominique Dantand interprète le Concerto de flûte de Jean-Jacques Beauvarlet-Charpentier (1734-1794). Titulaire de plusieurs instruments à Paris dont celui de la cathédrale Notre-Dame, il compose avant tout pour ses instruments. Dérivé de l'offertoire, ce concerto répond au goût du public de l'époque. Avec l'évolution de la facture d'orgue, l'organiste joue de son instrument comme d'un orchestre, il convoque même l'orage et le jugement dernier. Cette tradition bien française se poursuivra au XIXe siècle et connaîtra son apogée avec le facteur Aristide Cavaillé-Coll. 

Au final, "entre sensibilité et exubérance", "L'orgue des Lumières" représente plus d'une heure de pur plaisir à découvrir ces compositeurs et ces œuvres injustement oubliés, mis au jour et interprétés avec art par Dominique Dantand qui sait mettre toutes les sonorités de son instrument au service d'un répertoire pour lequel il est naturellement conçu, le tout restitué par la très belle prise de son de Roland Lopes. 

Démo et bon de commande vidéo ci-après, ainsi qu'une surprise.

Une réalisation Sesquialtera Productions - Roland Lopes, Les Amis de l'Orgue de Vézelise avec le soutien de la Ville de Vézelise, la Communauté de Communes du Pays du Saintois, la Paroisse de Vézelise et la Manufacture d'orgues Yves Koenig.

Pochette CD "L'orgue des Lumières"
Pochette CD "L'orgue des Lumières"
Pochette CD "L'orgue des Lumières"
Pochette CD "L'orgue des Lumières"
Pochette CD "L'orgue des Lumières"
Pochette CD "L'orgue des Lumières"

Pochette CD "L'orgue des Lumières"

Tag(s) : #Orgue, #Orgue historique, #Küttinger, #CD, #Musique classique, #Musique française, #Musique allemande, #Dominique Dantand, #Vézelise, #Lorraine, #Grand Est
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