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Entre deux répétitions de la Symphonie fantastique d’Hector Berlioz qu’il dirigera pour la première fois avec l’Orchestre Pasdeloup dimanche 9 juin à la Seine Musicale à Boulogne-Billancourt, le jeune chef d'orchestre français Pierre Dumoussaud a accepté de me rencontrer pour parler de son parcours après déjà dix ans de carrière à seulement 33 ans.
 
S’il n’est pas né dans une famille de musiciens professionnels en tant que telle, la musique était très présente à la maison avec un père professeur de musique en collège et chef de chœur à ses heures et une mère choriste amateure.
 
Après une double formation de bassoniste et de direction de chœur puis d’orchestre au CRR puis au CNSMD de Paris auprès de Paul Daniel et d’Alain Altinoglu, les débuts dans la carrière se sont faits très rapidement.
 
En effet, dès sa 2e année au CNSMDP, Pierre Dumoussaud est appelé à remplacer au pied levé Alain Lombard à Bordeaux dans un concert symphonique avec au programme rien moins que la 3e Symphonie Eroica de Ludwig van Beethoven et Don Juan de Richard Strauss. Il devient alors chef assistant permanent à l’Opéra national de Bordeaux, ville où il réside désormais avec sa famille.
 
Depuis, sa carrière se développe aussi bien en France qu’à l’étranger avec cette saison-ci pour la première fois davantage d’engagements en dehors de nos frontières, en Belgique, en Grèce, au Japon, etc.
 
Très actif sur la scène lyrique, Pierre Dumoussaud regrette qu’en France, la formation des chefs d'orchestre soit trop centrée sur la musique symphonique au détriment du répertoire lyrique qui procure pourtant davantage d’engagements et du ballet quant à lui carrément inexistant. Il fait le parallèle avec la tradition allemande de formation très complète des Kappellmeister qui répond au besoin outre-Rhin de chefs polyvalents, les fameux GeneralMusikDirektor à la tête de maisons lyriques et symphoniques avec des troupes qui enchaînent opéras, concerts et ballets dans la même semaine.
 
A l’opéra, le chef français qui dirigera Manon de Jules Massenet à Bastille en 2025, veut défendre le style romantique français de 1830 au tout début du XXe siècle. Il l’explique par son goût de la langue française qu’il souhaite mettre en avant dans ce répertoire qu'il se sent naturellement plus légitime à défendre.
 
Son inclination pour le répertoire lyrique s’explique aussi par la préférence qu’il a d’être un élément parmi d’autres corps de métiers plus que par le désir de briller sur un podium de chef d’orchestre.
 
Se qualifiant de laborieux, il a besoin de temps pour s’imprégner des partitions qu’il va diriger et chaque reprise d’une œuvre est pour lui une remise en question. Rien de pire que de répéter toujours la même chose.
 
Au fil d’une carrière qui s’est construite progressivement au fil de réussites relayées par la presse et d’engagements qui se multiplient, Pierre Dumoussaud a de plus en plus envie de s’implanter sur un territoire.
Dans un pays comme la France où la musique relève d’une mission de service public, il voudrait pouvoir, comme Jean-Claude Casadessus et d’autres avant lui, transmettre la musique partout où c’est possible. Pour cela, il est nécessaire d’avoir un véritable ancrage territorial sur la durée car selon lui, l’artiste a un rôle à jouer dans la société, y compris celui d’aller chercher des financements publics et privés, d’aller présenter son projet là où c’est nécessaire, de parler au public. Cumuler les postes dans différents endroits du globe, trois mois par-ci, trois mois par-là, très peu pour lui.
 
Quand on lui dit que les musiciens d’orchestres permanents français apparaissent souvent moins engagés que leurs homologues étrangers, ne serait-ce que dans leur attitude sur scène, il répond qu’il faut les considérer davantage comme des artistes que comme des fonctionnaires et les associer aux processus de décision comme le choix des chefs, du directeur musical, du répertoire, etc.
 
A la question de savoir pourquoi il y a si peu de chefs français directeurs musicaux d’orchestres et d'opéras en France, il estime que du fait de leur formation commune les musiciens d’orchestre regardent les chefs français d’un peu haut et leur préfèrent peut-être un chef étranger avec une expérience et une vision différentes de la leur.
 
Par ailleurs, la France n’est pas selon lui un pays avec une grande tradition de direction d’orchestre contrairement par exemple à la Finlande où le chef, compositeur et pédagogue Jorma Panula a formé dans son académie d’Helsinki quantité de brillants émules dont Esa-Pekka Salonen, Mikko Franck, Sakari Oramo, Jukka-Pekka Saraste et plus récemment Klaus Mäkelä, nommé à 24 ans à la tête de l’Orchestre de Paris.
 
Bien ancré dans son époque, Pierre Dumoussaud loue l’arrivée des femmes dans le métier et s’inquiète de son empreinte carbone qu’il fait tout pour limiter même si parfois il ferait bien un aller-retour à Bordeaux entre deux répétitions pour voir sa famille. Il est aussi présent sur les réseaux sociaux sans trop en abuser. C’est un passage obligé aujourd’hui pour les artistes qui s’y collent eux–mêmes quand ils n’ont pas les moyens de payer quelqu’un pour s’en occuper.
 
A propos de l’éternelle question de la place de la musique contemporaine dans les programmations lyriques et symphoniques, il constate que de fait elle n’attire pas encore assez le public français, ce qui rend frileux les programmateurs soucieux de remplir leurs salles.
 
Pour d’autres raisons, il regrette que le répertoire des orchestres permanents soit si limité sur l’échelle de l’histoire de la musique. On remonte à peine à Haydn et Mozart. Quant à leurs prédécesseurs, ils n’ont pas droit de citer. Ça rend d’autant moins intéressant le travail des musiciens qui sont enfermés dans un répertoire rabâché à longueur de saisons.
 
Lauréat du premier Concours International de Chefs d'Orchestre d'Opéra de Wallonie en 2017 et "Révélation chef d'orchestre" pour la première fois dans cette catégorie aux Victoires de la Musique 2022, Pierre Dumoussaud nommé la même année Chevalier des Arts et des Lettres, annoncera bientôt sa saison 2024/2025. D'ores et déjà, figurent parmi ses projets les plus importants les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach à l’Opéra national de Strasbourg et les Pêcheurs de Perles de Georges Bizet à l’Opéra de Dijon.
 
Plusieurs enregistrements lyriques et symphoniques sortiront également dans les mois prochains dont il réserve aussi l’annonce.
 
En attendant, il dirigera Don Giovanni de Mozart au festival Musique en Ré le 29 juillet prochain.
Pierre Dumoussaud @ DR
Pierre Dumoussaud @ DR
Pierre Dumoussaud @ DR
Pierre Dumoussaud @ DR
Pierre Dumoussaud @ DR
Pierre Dumoussaud @ DR

Pierre Dumoussaud @ DR

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