Parmi mes plus beaux souvenirs de partage de la musique classique figure certainement un concert que j'avais organisé avec d'autres choeurs de Vierzon et l'Ecole Municipal de Musique dans un gymnase d'un quartier populaire.
L'idée nous était venue ensemble, alors que j'étais administrateur du Choeur de Chambre Mikrokosmos, d'organiser une grande fête du chant choral avec tous les choeurs de Vierzon, non pas dans une église, au théâtre ou un lieu du centre ville, mais dans un gymnase périphérique du centre ville, un quartier populaire, habité en particulier par une population issue de l'immigration.
Je me souviens encore très bien qu'une attention toute particulière avait été apportée à la sécurité, le concert étant libre d'entrée, gratuit pour tous, et le gymnase pouvant contenir près de 1000 personnes.
Malgré toutes nos craintes de voir ce moment de musique classique diversement accueilli par la population de ce quartier, quelle ne fut pas notre surprise de voir les choses se dérouler à merveille, le gymnase plein à craquer, en particulier de jeunes.
L'accueil fut très chaleureux. Les jeunes ados certes allaient et venaient (diificile de rester attentif trois heures d'affilé), mais dans un calme respectueux ; aucun trouble ne survenut alors que le dispositif de sécurité était des plus sobres et des moins dissuasifs possibles.
Je perçus alors beaucoup d'intérêt, de curiosité, de reconnaissance quelque part alors qu'aucune préparation particulière, aucune médiation n'avait eu lieu en amont.
De la même manière, quelques années plus tard, j'emmenais le choeur Vittoria se produire dans un gymnase à Grigny dans l'Essonne avec l'Orchestre de Massy pour interpréter la Messe du Couronnement de Mozart, après l'avoir donné deux fois à l'Opéra de Massy et à l'Eglise Saint-Eustache à Paris.
Beaucoup de choristes avaient eu peur de se risquer dans cette banlieue lointaine et difficile.
Or, quelle ne fut pas notre surprise, de nous retrouver accueillis par les mamas africaines en boubous, qui avaient préparé un goûter et une décoration mémorable à notre intention et encore mieux avaient travaillé une pièce à chanter avec nous. C'étaient pour elles l'événement de l'année.
Je me souviendrai toujours du Choeur Vittoria avec ces femmes en boubous si belles et dignes interpréter l'Ave Verum de Mozart.
Là, encore guère de préparation, tout juste une répétition sur place en commun, mais que de plaisir et d'émotions partagés autour de la musique classique.
S'il ne fallait le démontrer, la musique est bien un langage universel. Elle transcende les peuples et leurs différences.
Certains l'ont bien compris, comme Daniel Barenboim qui l'utilise à merveille pour favoriser la paix, avec son orchestre West-Eastern Divan Orchestra !
En février 2010, c'est au Sénégal qu'eut lieu un merveilleux échange entre le Choeur Vittoria et des choristes africains. Par delà les différences de culture et de niveau de vie, le Choeur ChoiceB, chorale cardinal Emile Bayenda des étudiants de Dakar vécut avec le Choeur Vittoria une semaine intense de partage musical et humain, partage réhaussé par celui avec le public, de Dakar et du reste du pays. Ainsi à Fadiouth, pays de Senghor, 1000 personnes remplirent progressivement l'église au cours d'un concert mémorable.
Ces moments resteront sans doute parmi les plus captivants de mon expérience d'administrateur culturel, à l'instar de tous ces moments de partage musical en zone rurale, où le spectacle vivant va si peu !