Deux contre-ténors font chavirer les festivaliers de Froville-la-Romane

A environ 35 kilomètres au Sud de Nancy, en Meurthe-et-Moselle, le festival de musique baroque et sacrée de Froville a lieu depuis 24 ans dans le cadre bucolique du village de Froville-la-Romane avec pour épicentre son Eglise à l’acoustique idéale pour ce répertoire.

Depuis le parking en plein champ, le festivalier franchit un petit pont de pierre jeté sur la rivière entre chevaux et vaches et suit un circuit pentu empruntant d’abord la rue principale du village avant d’accéder par un petit chemin ou des escaliers pour les plus courageux à l’entrée de l’Eglise après avoir traversé un petit cimetière invitant au recueillement. Situé sur un petit promontoire, pendant un mois ce lieu devient le Valhalla de la musique baroque et sacrée en Lorraine.

Cette année, pour les raisons que l’on sait, le festival, dirigé depuis quatre ans avec enthousiasme par la chanteuse lyrique Laure Baert-Duval, a fait le choix de déplacer certains concerts en plein air à quelques mètres de là, afin de pouvoir accueillir le plus de public possible, tout en respectant les règles sanitaires.

Mais ce week-end, il a retrouvé l’acoustique unique de son Eglise romane à l'occasion de deux concerts consacrés à l’art du contre-ténor, qui ont trouvé là un écrin idéal.

Vendredi 25 juin, dans un programme consacré à Antonio Vivaldi et Giovanni Bononcini, c’est le contre-ténor catalan Xavier Sabata qui de sa voix chaude et sensuelle aux graves ténébreux a renversé le public dans des Aria, extraits d’opéras des deux génies italiens. A la tête de sa brillante formation Pulcinella, la violoncelliste Ophélie Gaillard l’a accompagné avec beaucoup de ferveur. Sinfonia et Concerti démontrant l’art du violoncelle de Giovanni Bononcini ont été servis à la fois par la dextérité et l’enthousiasme de cet ensemble constitué d’autant de solistes et les qualités d’interprétation et de direction de leur cheffe au violoncelle baroque.

Dimanche 27 juin, venus tout droit d’Outre-Rhin, le contre-ténor Valer Sabadus, aux origines roumaines et l’Ensemble Spark - Classical Band proposaient un programme tout à fait détonant, couvrant trois siècles de musique, de Goerg Friedrich Haendel à Michael Nyman, de la musique savante à la musique populaire, faisant dialoguer anciens et modernes, dans des arrangements réalisés par les membres du groupe Spark (2 flûtes à bec, violon, violoncelle et piano) revisitant le classique avec parfois des accents pop-rock décoiffants.

Intitulé « Au plus près du paradis » tel une heureuse promesse, le concert s’est déroulé en quatre parties abordant successivement les thèmes de l’amour, de la nostalgie, de la mort, des rêves et de la dévotion.

Avec la pureté et l’agilité de sa voix, Valer Sabadus, se montre aussi à l’aise dans les airs d’opéras de Vivaldi et Haendel que dans Fauré ou Ferré et le répertoire contemporain, preuve que la voix de contre-ténor peut s’apprécier dans tous les répertoires.

Que ce soit dans les morceaux baroques ou modernes, la présence des deux flûtes à bec et parfois du melodica de Daniel Koschitzki produit ce son actuel et rafraîchissant qui fait l’originalité de Spark, au-delà de ses arrangements modernes.

A l’issue de ce programme flirtant avec le genre crossover dans ce qu'il a de meilleur, Valer Sabadus interprète en bis « Could it be magic » de Barry Manilow popularisé dans le monde entier par Donna Summer dans sa version disco. Basé sur le prélude n°20 en do mineur opus 28 de Frédéric Chopin, la chanson se voit ici adaptée par le quintette Spark et Valer Sabadus dans une version digne d’une comédie musicale de Broadway.

Souvent puristes, les passionnés de musique baroque de Froville réservent quant à eux une standing ovation aux artistes, prouvant ainsi que la musique peut sortir avec succès des cases formatées dans lesquelles on l’enferme souvent à tort.

Le Festival se poursuit jusqu’au 6 juillet, avec Bach par Jean-François Zygel et Hugues Leclère le 2 juillet, Reinoud van Mechelen, Anna Besson et A Nocte Temporis dans un programme très intéressant de musique irlandaise du 18^e siècle le 3 juillet, pour finir en beauté avec l’ébouriffant violoniste Nemanja Radulovic et l’ensemble Double Sens le 6 juillet.