Après François-Joël Thiollier pour son concert d’ouverture, le festival Nancyphonies, essentiellement consacré au piano, recevait en juillet dernier deux autres pianistes d’exception : une valeur sûre en la personne de Philippe Bianconi, suivi quelques jours plus tard, par la révélation du dernier concours Tchaïkovski de Moscou, star montante de la nouvelle génération française du piano, Lucas Debargue.
Assurément ce sont deux styles et deux personnalités musicales bien différentes qui ont enflammé les soirées estivales de la cité grand-ducale en ce mois de juillet déjà très chaud.
Quelques jours après Philippe Bianconi, c’est donc Lucas Debargue qui mettait le feu aux planches de la salle Poirel dans un programme très alléchant pour l’amateur de piano : Bach, Prokofiev, Ravel, Liszt, sans oublier Schubert en bis, de quoi pour le jeune pianiste iconoclaste parcourir un grand pan de la littérature pour le clavier.
D’emblée, dans la Toccata en ut mineur BWV 911 de Bach, Lucas Debargue fait montre d’une force qui ne le quittera pas pendant toute la durée du récital.
Réminiscence de sa réussite à Moscou, où arrivé 4ème du Concours Tachaïkovski, il reçoit le prix de la critique musical, la Sonate n°3 en la mineur opus 28 de Prokofiev sied à merveille au jeune musicien. Son interprétation très puissante de cette œuvre très percussive sera l’un des moments forts de cette soirée.
Gaspard de la Nuit de Ravel nous révèle toute la poésie du jeune homme. Celle-ci se décline dans Ondine, Le Gibet et Scarbo, créant une suite de climats tous différents les uns des autres. Lucas Debargue fait montre d’une réelle maîtrise de cette œuvre particulièrement virtuose, dont il semble se jouer sans grande difficulté.
La deuxième partie du programme laisse place à un autre monument de la littérature pianistique, véritable sommet à gravir, architecture grandiose à retranscrire au clavier dans une grande arche, une immense épopée à raconter, sans pause, la Sonate en si mineur S 178 de Franz Liszt.
L’interprétation du pianiste, comparée aux grandes interprétations connues, y est peut-être moins convaincante. Sa vision paraît un peu destructurée, comme s’il cherchait encore le discours musical de cette œuvre. Il est vrai qu’il lui reste encore beaucoup de temps pour trouver les ressorts d’une œuvre aussi monumentale, pour laquelle il n’a peut-être pas encore atteint la maturité nécessaire.
Le public réservera toutefois un triomphe mérité au pianiste et ne consentit à le laisser partir qu’après plusieurs bis, qu’il accorda avec beaucoup de générosité, redonnant quasiment un deuxième concert après le premier.