On observe de plus en plus d'intermittents du spectacle dans la musique qui fuient la précarité de leur statut et surtout la difficulté à le conserver, préférant quitter leur métier pour trouver un emploi plus stable dans le salariat régulier.
Ainsi, un ténor est devenu à 35 ans responsable du personnel de placement à l'Opéra ; un autre, se reposant encore sur ses parents, a préféré à 30 ans se reconvertir comme conseiller de clientèle, au hasard d'un recrutement ouvert dans une banque aux personnes ayant un cursus non commercial, à condition d'avoir le physique avantageux nécessaire désormais à l'exercice de cette profession commerciale avant tout.
Ce ne sont que deux exemples.
Car combien ont du mal, parvenus à 50 ans à conserver leurs droits à l'assurance-chômage, après une série de durcissements de la loi sur l'intermittence du spectacle, qui rend difficile l'obtention et ensuite la conservation de ce statut.
Face à cela, certains préfèrent conserver une activité salariée comme socle sur lequel se reposer en cas de pépin. Un ténor qui avoue donner 80 représentations par an conserve ainsi son emploi à mi-temps dans une grande entreprise industrielle française de centre de la France pour pouvoir assurer ses arrières. Un autre sera professeur, vendra des partitions, etc...
Quand la France a investi dans la formation de centaines d'artistes par exemple en créant des filières pour former des chanteurs de choeur, n'est-ce pas un gâchis incommensurable de voir ces personnes devoir renoncer à exercer et à nous transmettre eux-mêmes leur art.
La France déserte le champ culturel. L'Etat, au commande duquel se trouve un Président plus porté sur le divertissement télévisuel que sur la culture, la nomination d'un homme de télé peu complexé à la tête du Ministère de la Culture en étant l'un des symboles notoires, détricotte petit-à-petit tout le maillage construit depuis des dizaines par ses prédécesseurs, à la hauteur de vue autrement plus élevée que lui apparemment - sans que leur taille n'y soit pour grand chose d'ailleurs...
De Malraux à Jack Lang, pour les plus illustres, sans oublier Michel Guy, de Landowski à Maurice Fleuret, pour ceux qui mirent en place le maillage musical de notre pays, il ne reste qu'un Ministère central courant après une culture événementiel et du divertissement tantôt pour chacun tantôt pour tous dont les contenus ne sont plus définis.
Les Drac, organes déconcentrés du Ministère sous l'égide des Préfets, voient leurs budgets fondre comme neige au soleil, contraintes d'abandonner leurs bébés à leurs voisines, les collectivités territoriales, en leur disant de leur hauteur toute étatique, comment en prendre soin.
Las, si l'expertise technique existe bien encore dans les Dracs, on en est loin dans les collectivités territoriales, où les fonctionnaires sont recrutés sur concours administratifs, sans vérifier leur compétence dans le champ qu'ils auront ensuite en charge dans une direction culturelle.
Et c'est ainsi que certains suivent par exemple le dossier de structures dont ils n'ont jamais eu la curiosité d'aller juger de visu la pertinence de leurs productions, se référant, peut-être par une confiance excessive ou aveugle, aux indications données ici et là par les bruits de couloir, les médias ou obéissant aux pressions politiques auxquels ils ne peuvent échapper.
En outre, voila également notre politique culturelle, qui faisait notre singularité dans le monde, abandonnée elle-aussi aux appétits des industries culturelles qui disposent d'ailleurs d'une direction au Ministère de la Culture, le marché ayant désormais pénétrer l'Etat en son seing, tel un virus ou plutôt une bactérie - le virus disparaît tout seul, la bactérie exige un traitement.
Alors à ceux qui se présentent aujourd'hui aux plus hautes fonctions de l'Etat, et qui souhaitent réparer notre pays malmené, aidés de ceux qui seront élus pour voter nos lois et administrer cet Etat à la dérive, qu'ils réfléchissent aux conséquences d'un tel abandon sur notre peuple, que dis-je sur le peuple européen, car notre rôle en Europe doit davantage s'affirmer dans le champ culturel et éducatif. Et cela passe par la refonte de notre politique culturel qui comme beaucoup de politiques chez nous et ailleurs, ne doivent pas être marchandisées et vouées aux intérêts des plus forts.
O Freude, o joie, scande l'hymne européen, hymne à la joie, tiré de la 9e Symphonie de Beethoven ! Lui qui était sourd lorsqu'il a composé cette oeuvre mais que la musique éclairait de l'intérieur.
Espérons que dans quelques mois, nous pourrons commencer à redéchiffrer cette partition pour que dans quelques années nous retrouvions la joie de la chanter tous ensemble, lors d'une célébration européenne de l'Europe !