"Le 20 novembre" de Lars Norén au Théâtre de la Manufacture à Nancy

Une cage de scène dépouillée de tout artifice et uniformément noire, un décor réduit au strict minimum, un dispositif de projection vidéo sur le fond de scène et le plateau, c'est dans ce cadre minimaliste que le metteur en scène Daniel Pierson a décidé d'incarner "Le 20 novembre", monologue d'une heure vingt du dramaturge suédois Lars Norén, interprété par Florian Sietzen, du 15 au 17 juin 2021, au Théâtre de la Manufacture à Nancy.

Le 20 novembre 2006, Sebastian Bosse, 18 ans, pénètre dans son ancien collège d'Emsdetten, en Westphalie (Allemagne), et se lance dans une fusillade faisant 27 blessés, avant de se donner la mort. Comment un jeune homme, dans un pays riche, qui plus est européen, a-t-il pu commettre un tel acte de folie contre ses semblables et lui-même, à l'image de la tragédie de Columbine aux USA sept ans plus tôt.

Intéressé entre autres par les phénomènes psychosociaux et psychiatriques, Lars Norén s'empare de ce fait divers hors normes et sur la base des carnets intimes publiés sur internet par Sebastian Bosse pour justifier son geste avant de passer à l'acte, il écrit ce monologue, en forme de confession à la fois intime et ultime, dans une langue incisive et percutante qui agit comme un tsunami sur le public.

Depuis toujours, Sebastian sent qu'il n'a pas sa place dans cette société qui ne lui accorde aucune reconnaissance. Il n'existe pas et, pense-t-il, n'existera jamais dans un monde marqué par l'individualisme et le consumérisme. Sa vie n'a aucun sens. Alors pourquoi continuer ? Pourquoi ne pas mourir et transformer sa mort en plaidoyer pour enfin exister et être reconnu ?

Au cours du monologue, le public est pris à partie par l'adolescent et se retrouve aspiré dans son histoire, confronté intérieurement à la dure réalité de ce monde qui exclut et peut faire de perdants des meurtriers.

Florian Sietzen, jeune comédien nancéien, issu de l'école du TNS de Strasbourg, réussit à incarner  pendant une heure vingt, avec justesse, passion et sans jamais faiblir, ce texte d'une intensité extrême qui ne peut laisser indifférent et invite à s'interroger sur les dérives du monde moderne.

Le spectacle sera repris en janvier 2022 au Théâtre de la Cie ça respire encore à Nancy.